Résumé historique de l'«Alliance Française de Saint-Gall»
Version in deutsch

Préface

Afin de fêter le 90ème (ou 140ème) anniversaire de notre Alliance, nous voulions faire partager notre émotion à la découverte de nos archives. C’est pourquoi, nous avons décidé de concevoir une brochure qui relate une partie de l’histoire de l’Alliance Française de Saint-Gall, de ses débuts jusqu’à l’année 1956. Nous poursuivrons notre recherche jusqu’à nos jours en vue du 100ème anniversaire.
Ce résumé a été écrit à deux mains, une suisse-alémanique et l’autre franco-suisse pour exprimer la réalité encore actuelle de notre société. Il est présenté en version bilingue pour permettre à tous d’y avoir accès sans difficulté.

Ce travail a été rendu possible grâce au soutien du Service Culturel de l’Ambassade de France, dont nous tenons à remercier son Conseiller M. Alain Sauval.
Nos remerciements vont aussi à Mme Amélie Pianca et M. David Zaugg pour leur important travail de recherche et de traduction. Un merci particulier à Mme et M. Odile et Reto Steurer, ainsi qu’à Mme Véronique Paky et M. Hans Wolfgang Hunkel, pour l’aide apportée à la mise en forme de ce document.

Nous espérons partager avec vous notre plaisir à découvrir l’Histoire de notre Alliance.

Saint-Gall, novembre 2002

La Présidente
Dominique Andermatt-Gindrat



De la Société «Sprach- und Unterhaltungsverein» à la «Société Française»

Le 3 octobre 1862, onze Saint-Gallois, ayant tous passé une ou deux années en France ou en Suisse romande, se réunissent pour fonder l’association dite «Sprach- und Unterhaltungs-Verein» ou société de langue et de divertissement. L'objectif premier est l’exercice de la langue française ainsi que le perfectionnement en conversation, en langue écrite et en grammaire, sans y négliger le plaisir, comme nous le verrons plus loin.
On se donne même des devoirs pour la prochaine réunion, comme par exemple apprendre à conjuguer des verbes. Les premiers procès-verbaux des réunions sont rédigés en allemand dans une écriture aussi belle à contempler que difficile à déchiffrer parce qu'écrite en vieil allemand. Les comptes, les rapports et les statuts sont des oeuvres d'art calligraphique environ jusqu’en 1900.

On se rencontre une fois par semaine pour étudier et discuter; on tient des assemblées mensuelles et deux assemblées générales par année. Elles sont obligatoires. La cotisation s'élève à 20 centimes par membre et par semaine ce qui, toute proportion gardée, ne re­présente pas une bagatelle. Le comité directeur comprend un président, un vice-président et un secrétaire-caissier qui fonctionne aussi comme bibliothécaire, car dès le début, on monte une bibliothèque.
La société se réunit dans une salle qui lui est généreusement mise à disposition au premier étage du restaurant «Zum Grünen Baum» au Bohl, «sans être obligé de payer la lumière», note-t-on. Avant chaque réunion on fait l’appel et les absences injustifiées sont sanc­tionnées de 20 centimes. Ainsi le 3 novembre 1862 on relève que le président Schneider, MM. Schlegel, Weber et Kieni arrivent en retard à la séance (ce qui n’est pas imputable aux problèmes de stationnement !).
L’association forte de 15 membres «tient bon la barre» six mois, poursuit son objectif avec succès et change de nom en mars 1863 et devient la «Société Française».

Manifestement, les heures de l'apprentissage ont porté leurs fruits, car les procès-verbaux, les rapports, les statuts et comptes-rendus sont dorénavant rédigés en français. On encourage la lecture par des abonnements à des journaux (Le journal de Genève, Pour Tous), l’achat de livres, de dictionnaires et de grammaires en français. La bibliothèque qui comprend 87 volumes en 1864, se trouve dans le local de réunion dans une armoire fermée à clef. On cherche maintenant un enseignant de français pour diriger les heures d’étude.

A chaque assemblée mensuelle on décide de l'admission ou non de nouveaux membres. Il faut montrer patte blanche pour être accepté, cependant bien des métiers sont représentés : employés de poste, chef télégraphiste, chef de gare etc. et la variété s’enrichit constamment avec l’augmentation du nombre des membres. Les présidents changent environ tous les six mois jusqu’en 1883; nous trouvons des noms comme Tagmann, Leuzinger, Rieder, Gaudin, Tobler, Winterhalter. Parce que la bibliothèque représente une trop grosse charge pour le se­crétaire-caissier Schlegel, un bibliothécaire est nommé spécialement en 1864. La composition des statuts est maintenant terminée et approu­vée à l'assemblée générale de février 1866 et signée par 78 sociétaires. Des organisations semblables voient le jour à Flawil, Ebnat-Kappel, Rheineck, Gossau, Buetschwil, Ror­schach et Berneck, et on cherche le contact. On n’hésite pas, en 1866, à rayer (avec treize voix contre une) le membre fondateur et ancien président Schneider de la liste des membres pour ne pas avoir payé ses cotisations malgré les sommations du caissier. Ces années sont l’apogée de la société au 19ème siècle car elle verra le nombre de ses membres diminuer au cours des années suivantes.
Des excursions font également partie de la vie d'association; on organise la première pro­menade à Voegelinsegg. D’autre part, les problèmes habituels auxquels une association doit faire face ne tardent pas à émerger. L’absentéisme commence à sévir malgré les amendes, la bibliothèque est délaissée, le local est trop petit ou trop humide, le service du restaurant est insatisfaisant, le caissier doit sommer les membres de payer leurs cotisa­tions, des membres partent sans donner leur démission...

Faut-il placer une annonce dans le journal pour attirer de nouveaux membres et réveiller l’intérêt des membres actuels ? Pour chaque réunion, on prévoit à l’avance la discussion d’un thème. Ce sont des thèmes comme par exemple «le décès de l'empereur Maximilien du Mexique», ce qui soulève aussi la question de savoir si l’on peut parler politique dans ces réunions. Les convocations aux réunions sont publiées gratuitement dans le «St. Galler Tagblatt» par Monsieur Zollikofer.

Cette année, on verse Fr. 50.- à des victimes d’incendie. On accorde Fr. 20.- à la bibliothè­que pour l'acquisition des oeuvres d’Eugène Sue qui lui manquent. On accorde un subside au groupe de chant de la société. Faute de membres, celui-ci trouve bientôt «la paix éternelle» selon les notes du secrétaire. Le groupe d’enseignement en revanche tient bien le coup. Le président Tagmann écrit : «Les leçons de grammaire ont été fréquentées pendant cette dernière période par 6 à 7 membres et dirigées par notre infatigable commissaire de police M. Schlegel, auquel nous donnons nos vifs remerciements». L'assemblée générale décide d’admettre pro­visoirement les étrangers, mais on les rejettera deux ans plus tard. De même, on exclut un membre parce qu’il a fait faillite et compromet par ce fait «l’honneur de la société».

Les cours de français sont maintenant donnés par le Professeur Rieder qui deviendra bientôt Président de la Société. Pour animer les réunions, on propose des jeux : échecs, cartes, rami ou jass. Ce dernier sévira bientôt au grand dam de ceux qui ne s'y intéressent pas. On crée des «réunions ambulantes», c’est-à-dire qu’on se réunit deux fois par mois ailleurs que dans le restaurant habituel. On organise une soirée de carnaval pour la gaieté, auquel cas le protocole ne précise pas si les femmes pouvaient s’y rendre déguisées en hommes. En effet, il faut savoir que la «Société Française» est une société masculine, les femmes n’étant pas admises. En revanche on acceptera, après d’âpres discus­sions, un élève de 17 ans de la «Kantonsschule». Dans ce temps, le comité prend l’habitude peu à peu de se réunir chez le Président, M. Tobler. Mme Tobler s’offre gracieusement pour servir à boire à ces messieurs. Les dames travaillent donc en coulisses.

Dans les années soixante-dix, les membres de l'association se recrutent parmi les professions de chapelier, commis, tailleur, confiseur, horloger, brodeur, imprimeur, photographe, libraire, avocat, professeur, pasteur, et même un conseiller d'état y participe. A l’époque, l’association est abonnée aux journaux et revues suivants : L'Illustration, Paris Caprice, Le Magasin Pittoresque, Le Journal pour rire, Le Journal Illustré, L'Education et l'Instruction, Le Globe Illustré et La Patrie Suisse. Les sociétaires peuvent les lire au local avant leur mise en circulation dans des porte-cahiers.

Vers 1882, on organise une excursion avec concours de tir à la cible ou au flobert. Chaque année on prévoit en automne également un «Sauserfahrt» (promenade de dégustation du moût) qui fait problème: en effet, si la course d’automne se fait trop tôt, le moût n’est pas prêt et si l’on attend qu’il soit tiré, il y a peu de participants car tout le monde a repris ses occupations et les jours raccourcissent. On descend donc à Rorschach, Risegg, Buchberg, Thal, Rheineck, on fait beaucoup de marche à pied et l’on mérite ainsi son moût lors de plusieurs haltes de dégustation. On remonte sur Saint-Gall, content et rassasié, après avoir levé son verre tant de fois à la santé de la Suisse, de la France et de la Société Française.

Peu à peu, malgré toutes ces intéressantes manifestations, le nombre des membres de la société diminue. De 78 qu’ils étaient en 1866, il n’en reste plus que 26 en 1888. La bibliothèque doit quitter le Musée qui a besoin de place. On ne parle plus de leçons de grammaire et de langue, mais pour attirer de nouveaux membres et favoriser la participation, on voudrait que chaque sociétaire veuille bien préparer une causerie sur un sujet qui l’intéresse pour animer un peu la conversation. Les assemblées trimestrielles se passent en présence de 8 à 10 membres, et les séances du comité sont expéditives. Lors de la préparation d'une excursion en juillet 1883, un membre avait déjà proposé d'y inviter les dames, on avait voté, la majorité était contre.

Vers la fin du siècle, il y a des différends entre les traditionalistes et les rénovateurs de l’association. Grâce à la conduite équilibrée du Président, M. Scheitlin, l’association est sauvegardée. À la fête du 30ème anniversaire de la «Société» à Weissbad, il n’y a que 8 participants. On décide de réduire le comité à 3 personnes et de ne se réunir que deux fois par mois, mais la participation des femmes n’entre pas en question.

La fondation du «Cercle Français de Bienfaisance» (1878-1935)

Laissons donc là pour un moment la «Société Française» et tournons notre attention vers une autre association qui est fondée à Saint-Gall en 1878 : Le «Cercle Français de Bienfaisance» qui au départ compte cinq membres très français venant de Nîmes, de Paris, de St-Quentin et de Belfort, tous résidant à Saint-Gall et qui se réunissent sous les mots d’ordre «patriotisme» et «philanthropie». Ici, nous vivons l'histoire de la France encore de plus près que dans la «Société Française».

Voici une citation du Président à la réunion de la fondation:
«Les changements résultant de la guerre de 1870 ont amené dans la ville de Saint-Gall un plus grand nombre de Français cherchant du travail et demandant des secours à leurs compatriotes résidents. Aussi la formation d’une association française à but humanitaire nous avait-elle déjà préoccupés et avait été le sujet de plusieurs entretiens avec M. Moutarde, un de nos membres actuels : toujours, nous avons hésité en raison du petit nombre de Français réunis à Saint-Gall, nous contentant en diverses occasions de nous concerter pour rendre nos secours plus efficaces».


Vu le petit nombre de Français inscrits, on décide d’accepter également des Suisses-romands ou même des étrangers qui sont d’accord avec les principes et les statuts de la société. On élit de généreux membres donateurs habitant à Lyon, Nantes et Paris «membres honoraires», on accepte des membres passifs qui habitent trop loin pour assister aux réunions.

Le nombre des membres actifs progresse régulièrement. On rassemble de vieux vêtements pour les distribuer aux nécessiteux de passage à Saint-Gall. Les réunions ont lieu une fois par semaine. Ici aussi, il y a des assemblées géné­rales obligatoires avec appel, cotisations, lec­tures des procès-verbaux et de la correspondance, discussions des nouveaux statuts, acceptation de nouveaux membres parrainés par des anciens. On trouve un local au Loechli­bad avec un piano, ce qui est impor­tant car il y a des mélomanes.
En 1879, le «Cercle Français de Bienfaisance» compte 21 membres actifs et 8 honoraires, il a secouru 29 personnes en un an pour Fr. 225.40 et on dépose un actif de Fr. 450.- à la Creditanstalt. On décide de faire rénover le monument de St-Fiden érigé en l’honneur des internés français morts à Saint-Gall (les Bourbaki) en 1871 et d’y déposer régulièrement une couronne. Voici un extrait du discours de Monsieur C. Laroche, du membre du «Cercle Français de Bienfaisance» et directeur des broderies mécaniques à Flawil, prononcé à l’occasion de cette rénovation :

«Messieurs, chers compatriotes,
En 1870/71, je faisais partie de cette désastreuse campagne qui s’est terminée par la perte de deux des plus belles provinces françaises. Comme les soldats qui reposent sous cette terre, et en mémoire desquels nous sommes réunis ici, j’étais de cette malheureuse armée des ... Bourbaki qu’un sort funeste contraignit de chercher un refuge sur le sol hospitalier de la Suisse ; mais, plus heureux qu’eux, j’eus le bonheur de revoir la patrie, déchirée alors, relevée aujourd’hui, toujours notre belle France. Des circonstances douloureuses ont obligé quelques-uns d’entre nous à quitter la mère patrie pour en choisir une nouvelle ; des motifs tout différents, soit d’intérêt commercial, soit d’intérêt privé, ont éloigné momentané­ment les autres du sol natal. Ces causes diverses nous ont accidentellement réunis à Saint-Gall, mais notre coeur à tous est resté français. Aussi, si jamais l’heure du danger revenait, si la patrie menacée faisait appel à ses enfants, inspirons-nous de l’exemple des infortunés qui sont couchés ici, et si tous, nous ne pouvons pas voler à sa défense, tous, au moins, contribuons à lui venir en aide, chacun selon la mesure de ses moyens.»


Encore un autre passage d’un discours de M. Lévy, prononcé lors du dépôt de couronne le 14 juillet 1881, pour faire ressentir tout le poids de l’histoire :

«Hélas ! Pourquoi faut-il qu’à ces pures joies patriotiques la tristesse et les regrets viennent mêler leur amertume ? Défendrez vous, Messieurs, à un Alsacien, de se souvenir, non sans un serrement de coeur, qu’il est des villes, des campagnes profondément attachées à la France, qui ne pourront célébrer qu’en secret cette fête nationale ? Mais nous avons d’autres motifs encore de comprimer les élans de notre joie et de demeurer tristes et graves en ce jour. Ici, sous l’herbe que nous foulons, sont couchés nos frères, héros obscurs, les plus infortunés peut-être de tous ceux qu’a produits la sanglante tragédie de 1879. Ils n’ont pas eu la consolation de tomber glorieusement comme les autres au champ d’honneur, fortifiés par la pensée qu’en sacrifiant leur vie, ils sauvaient la partie, ils ont souffert au fond d’un hôpital une longue et douloureuse agonie, ils ont vécu assez hélas ! pour voir la France vaincue, humiliée, envahie ; ils sont morts de découragement dans l’âme, désespérant de la patrie, ne sentant que trop bien que leur sacrifice de tant de belles et jeunes existences s’opérait en pure perte.»

En 1879 déjà, le «Cercle» compte suffisamment de membres et renonce dorénavant à accepter des étrangers. On continue à aider des nécessiteux, on paie le train aux Français de passage qui cherchent à s’installer en Suisse, on verse des subsides aux victimes de catastrophe (à Elm, Glaris 1882). On accepte comme mem­bre un ouvrier-forgeron qui a trouvé du travail ainsi qu’un M. Traber car il a donné des preuves de la solidité de son caractère... Une grave question tourmente le «Cercle» : faut-il soutenir les déserteurs ? A part cela, la vie de société du «Cercle Français de Bienfaisance» res­semble beaucoup à celle de toute autre associa­tion : excursions, banquets, anniversaires, dis­cussions pour les modifications de statuts ou changements de locaux. Toutefois des questions plus exceptionnelles sont aussi discutées : faut-il fêter le 14 juillet alors qu’une épidémie de choléra sévit dans le midi de la France en 1884 ? On se décide pour un oui. Faut-il se fédérer aux autres «Cercles Français» de la Suisse ? On réserve cette option pour plus tard.

En 1890, on accepte un membre féminin en la personne de la fille de M. Charmey, un membre masculin qui vient de décéder. Est-ce l’influence française qui se répercute ou plutôt la crainte d’une diminution des membres qui deviendra effective pendant les années quatre-vingt-dix comme c’est le cas, d’ailleurs, dans la «Société Française» ? Cette année, on renonce à la grande promenade d'automne, pour en octroyer les frais qu’elle occasionnerait à M. Moutarde, ancien président, qui est malade et dans une situation financière pitoyable. On re­marque souvent, à cette époque, des cas semblables : les préoccupations financières peuvent rendre malade, ou alors la maladie, avec les frais médicaux et hospitaliers, peut entraîner très vite une situation financière difficile.

Ici, l'appartenance au «Cercle» peut apporter du soulagement : on alloue Fr. 100.- à M. Mou­tarde alors que les Alsaciens et Lorrains de passage à Saint-Gall et qui se trouvent en diffi­culté reçoivent Fr. 2.- ou 3.- et ils ne sont pas moins de 81 cette année à avoir été secourus.

Vers 1890, la situation économique difficile est à l’origine de démissions et de départs. Même M. C. Laroche, ancien président de l'association et directeur des broderies mécaniques de Flawil déménage. On entretient encore les tombes de St-Fiden, mais en 1894 on se demande si le «Cercle» va pouvoir continuer. On se réunit de moins en moins, il ne reste que quelques rapports de caisse et, ensuite, plus aucune trace de réunion jusqu’en 1918. Nous constatons que les deux associations, le «Cercle Français de Bienfaisance» et la «Société Française» ne semblent entretenir aucune relation et ne se mentionnent pas dans leurs archives respectives.

Pour le «Cercle Français de Bienfaisance», tout reprend en 1918. Un télégramme est envoyé à Georges Clemenceau «Libérateur du Territoire», qui répondra par l'Ambassadeur de France en Suisse. On cherche et trouve un nouveau local auprès du «Kaufmännischen Verein», on achète des meubles et on accepte sept nouveaux membres féminins (!). On fait modifier les statuts par le Consul de France à Zurich, ce qui apporte certains avantages à la société. On reçoit l'ambassadeur français en Suisse et on le fait s’inscrire dans le livre d'or de l’association. Les activités reprennent : la gerbe ou la couronne sur la tombe des Bourbaki, le banquet du 14 juillet etc. On commence avec 21 membres actifs, bientôt on est déjà 28, c’est le moment de faire venir un photographe. On organise des «goûters assaisonnés de gaieté» et on y invite - deux délégués de la «Société Française» devenue entre-temps «l’Alliance Française de Saint-Gall». On décide alors de poursuivre les échanges.

En rapport avec un chargé de mission du gouvernement Français à Berne, on décide de collaborer à l’organisation de tournées de conférences de célébrités françaises en Suisse. Mais ces beaux projets de conférences sont battus en brèche par l’épidémie de grippe de 1918. A la place, on alloue l’année suivante un subside de Fr. 500.- à la crèche de Saint-Gall.

En 1921, le «Cercle» compte 59 membres actifs et «le» secrétaire rédigeant les procès-verbaux de jadis est devenu «la secrétaire». On organise des soirées avec de petites conférences culturelles avec pour thèmes «Mme de Staël», «Maupas­sant», «la diction», «les avantages de la laideur», «les moeurs à la cour de Henri II», et des petites productions terminent les soirées : piano, réci­tation de poèmes, charades, jeux de société, on chante également, car on possède un recueil. Une fois, on organise même un concours de récitation avec un jury et des prix.

Puis, en 1925, toutes les activités de ce cercle dynamique cessent d’un coup. La cause en est cette fois-ci une raison interne: Le pasteur Herminjard de l’Eglise Française, président talentueux et polyvalent, est décédé subitement. Le professeur Charles Siegfried qui siège d’ailleurs au comité des deux associations, lui succède mais renonce quelques mois plus tard à cette fonction pour des raisons de surmenage. Tout prend fin à l'exception de la comptabilité qui effectue encore jusqu’à 1935 quelques paiements aux jardiniers Ruedlinger et Buecheler pour les soins du tombeau français (les tombeaux Bourbaki ont entre-temps été mis ensemble en une seule tombe) et verse des subsides à quelques anciens de la Légion étrangère de Sidi bel Abbès et de la Syrie, MM Widmer, Weik, Finsterl, Schoch et Dupertuis, ainsi que Fr. 20.- pour deux Français qui font un tour du monde à pied. Les archives du «Cercle Français de Bienfaisance» sont jointes à celles de l’«Alliance Française de Saint-Gall». Déjà depuis une bonne douzaine d’années on observe des affiliations doubles. Ainsi les deux associations se sont réunies en quelque sorte, même si nous n’avons pas connaissance d’actes de fusion officielle.

La «Société Française» devient «l’Alliance Française de Saint-Gall»

Reprenons donc, si vous le voulez bien, la «Société Française» qui battait de l’aile en 1900 avec des tensions entre réformistes et rénovateurs. Lors d’une manifestation en 1911 on n‘enregistre plus que 11 membres présents. Heureusement que les séances du comité sont divisées en deux parties : la séance de travail proprement dite, et la deuxième partie récréative. Le secrétaire de l’époque note:

«Il est 10.30 h lorsque la seconde partie com­mence. Les bouchons sautent, le vin mousse au fond des verres et bientôt quelques bouteilles de Neuchâtel blanc sont vides : ce bon petit vin délie toutes les langues et met tout le monde de bonne humeur. M. Keel (le Président) chanta en trois langues au plus grand plaisir des assistants et le secrétaire récita deux mono­logues comiques. Il était minuit et demie lorsque nous vidâmes notre dernier verre à la prospérité de la «Société Française» en général et à la santé de chacun de ses membres en particulier.»

En 1907, on voudrait bien accepter «quelques jeunes gens qui par leur intelligence et leur caractère se prêteraient au but de la société». C’est l’état d’esprit de l’époque : on veut bien rajeunir la société, mais ce sont les jeunes qui doivent s’adapter à elle. C’est le marasme et on se console avec le Grand «Pocal» d’Honneur qu’on remplit de bon vin vaudois ou de «Neuchâtel», en 2ème partie... Vers 1910, on organise des «soirées familières» où les épouses peuvent venir et où les célibataires peuvent même amener leurs bonnes-amies. Est-ce grâce à ces mesures libérales qu’un an plus tard 12 nouveaux membres s’inscrivent ? C’est une aubaine assurant la subsistance de la société pour un certain temps, car il ne restait plus que 11 membres. A partir de là, les «gracieu­ses épouses» peuvent aussi participer quelque­fois aux excursions. Un nouveau membre en la personne du pasteur Herminjard (qu’on connaît aussi dans le «Cercle Français de Bien­faisance») s’investira en 1913 encore explicite­ment pour l’admission des femmes. Mais elles ne seront acceptées en tant que membres de la société que six ans plus tard.

En 1912, on se met en rapport avec l’«Alliance Française de Zurich», puis avec l’institution respective de Paris, et on commence à parler de conférences culturelles. 1912 est aussi l’année du cinquantenaire de la «Société Française» qui prend maintenant à son tour le titre d’«Alliance Française de Saint-Gall». C’est assez remarqua­ble que cette société composée d’une majorité de Suisses-allemands soit devenue l’«Alliance Française de Saint-Gall» et que ce ne soit pas le «Cercle Français de Bienfaisance» qui ait amorcé cette métamorphose ou même que les deux sociétés n’aient pas fusionné dans ce but.

Assemblée extraordinaire le 10 décembre 1912
au local «Schlössli»

En 1913, par l’intermédiaire de l’Alliance Française de Zurich, on invite M. Henry Welschinger de Paris, membre de l’Institut de France, à présenter une conférence sur le «Comte de Mirabeau». A part cela, des membres ou des personnes de leur entourage donnent des conférences sur un pays ou des sujets qu’ils connaissent.

En 1915, on fixe une excursion au 9 mai car le 10 est une date de mobilisation qui concerne plusieurs membres dont le bibliothécaire qui doit être remplacé.
On s’abonne à «L’Histoire de la Guerre». Ce n’est qu’après la Première guerre mondiale, en 1919, que les femmes seront admises comme membres de l’Alliance Française de Saint-Gall. Citation lue dans un procès-verbal : le Président relève que, depuis l’admission de membres féminins, le comité est stimulé à organiser des parties de plaisir.

A partir des années 20, l’Alliance Française de Saint-Gall est soutenue par Paris aussi bien sur le plan financier qu’avec des livres. La société maintient sa vitalité avec de nouvelles idées. Une «Commission de plaisir», dirigée par la jeune Mlle Justrich, se charge de l’organisation de certaines manifestations de caractère plaisant. Il faut dire qu’à l’époque (fin des années 20, début des années 30) la grande soirée annuelle avec comédies jouées par les membres, bal, tombola et de belles toilettes attirent de 180 à 200 personnes.

Mais en 1933, la situation change : sans doute une conséquence de la crise qui sévit depuis 1931, on enregistre des démissions. La grande soirée est supprimée puisqu’elle occasionne trop de frais. C’est la reprise de la flamme en 1936. Mlle Justrich constate par sa réélection à l’unanimité à la tête de la commission de plaisir «combien ses talents sont appréciés».

En 1939 on se voit contraint de changer de local, «en raison de la conduite par trop bruyante de quelques jeunes éléments», l’Alliance n’est plus la bienvenue au Café Neumann, la commission de plaisir a trop bien fonctionné ! Où mettre la bibliothèque qui prend considérablement de place ? On parle du «Hecht», mais elle ira au «Walhalla».
On commence à faire des excursions en auto comme plusieurs membres en ont une, et on visite le château d’Arenenberg.

Puis c’est la Guerre et toute activité est interrompue.

On recommence en 1945. M. Beausire est élu Président, Mme Reiner vice-présidente, M. Grellet reste fidèle à son poste de bibliothécaire. On devient plus sobre dans les divertissements, mais dans la deuxième moitié des années quarante, on réussit à organiser quelques conférences d’envergure : «Les Etats-Unis» 1946 par André Maurois, «Avec la colonne Leclerc du Tchad à Tripoli», début 1947 par le Général Ingold (au Cinéma Palace avec des billets d’entré de Fr. 1.75 à 3.30). En 1948, le Général Giraud raconte sa dernière évasion, et De Lattre de Tassigny, reçu en grandes pompes par l’Alliance et les autorités de la ville, parle de «l’Epopée de la première Armée Française».



À partir de 1951, les conférences se succèdent régulièrement, parcimonieusement, selon les moyens de la société : il y en a cinq en 1951, deux et la projection d’un film sur André Gide en 1952, et deux conférences en 1953. A cette époque comme aussi plus tard de temps à autre, on déplore le fait que malgré toutes les communications et invitations respectives, la presse ne prend guère le relais de toutes ces manifestations de l’«Alliance Française».

L’Alliance manquant de conférenciers de Paris en 1954, des conférences sont présentées par le président M. Beausire qui parle de Paul Eluard, de Mme Haller et de Julien Green et le vice-président M. Plattner de la malaria.
À partir de la même année, on mentionne le «Thé des dames», réunion de femmes de deux après-midis par mois au «Walhalla». Le cimetière de St-Fiden est supprimé depuis 1955, et en 1956 le «Walhalla» est dévasté par un incendie. L’Alliance doit se trouver un nouveau lieu de réunion et déménagera à l’hôtel «Hecht».

Ici, nous cessons nos notes, l'histoire étant un éternel recommencement, et nous rejoignons une époque dont beaucoup de Saint-Gallois vivants portent le souvenir en eux, et bien des membres âgés de l’«Alliance Française» auront eux-mêmes vécu l’histoire de la société à partir de ce temps.

Amélie Pianca, David Zaug
Saint-Gall, en octobre 2002 retour au debut de la page